FOR A FEW SHORT STORIES MORE #4
Hello Kiddies !!! Soyez tous les bienvenus dans la Cabane de la peur pour un nouveau numéro de Pour quelques histoires courtes de plus. C'est encore et toujours moi, le très peu reluisant agent d'entretien. Cette fois, point d'hémoglobine, ni de décapitation et encore moins de voyage en enfer. Ce soir, nous allons suivre le départ précipité d'un homme en fuite. Prenez place dans l'avion, attachez vos ceintures, nous sommes Le Jour du départ de Monsieur John Burrows.
FAREWELL MR BURROWS
Memphis 16 août 1977, dans la soirée.
John Burrows s’apprête à quitter l’aéroport de Memphis, dans un avion de ligne de la compagnie Pan American, en partance pour Buenos Aires. L'atmosphère est étouffante, l’été bat son plein et le pourcentage d'humidité dans l'air crève le plafond. John transpire énormément, il lui tarde de rejoindre enfin son siège. Là, le climatiseur de la cabine soufflera un air frais salvateur, semblable à celui de ces Cadillac derniers modèles qu'il affectionne tant. Dans son costume bleu clair, John semble un peu à l’étroit. Il remet son col, encore et encore, comme par réflexe, se racle la gorge bruyamment et ajuste sans fin ses bagues en or. Une fois dans son siège, John reste très agité, et ses doigts qui battent la mesure sur l'accoudoir semblent guidés par un tic nerveux. Pour plus de discrétion et pour camoufler un peu ses traits tirés par la fatigue, il enfile ses Ray-Ban Aviator à monture dorée, puis contemple la piste d'atterrissage par la petite lucarne que lui offre le hublot. Dehors le soleil décline et les résidus de kérosène dessinent d’étranges formes multicolores sur le tarmac brûlant. L’aéroport est en ébullition, il y a de l’agitation partout, les terminaux dégueulent des voyageurs par dizaines, des arrivées, des départs, la valse des taxis, décollages, atterrissages, mais tout cela, engoncé dans son costume bleu, John Burrows n’en a cure. Memphis lui manquera à coup sûr, la maison, l’enfant, les potes, mais pas tout le reste. Perdu dans ses pensées, il ne prête pas la moindre attention aux instructions de sécurité dispensés par une magnifique et trop souriante hôtesse de l’air. Dans une autre vie, il l’aurait abordé, elle aurait succombé et enfin ils auraient baisé dans les chiottes de l’avion quelque part au-dessus des Etats-Unis. C’est aussi simple que ça. Mais ce soir, il n’a même pas porté un regard sur cette beauté blonde typiquement américaine, dont la mini jupe laissait échapper d’interminables jambes au bronzage impeccable.
Après plusieurs interminables minutes d'attente, l'avion s'apprête enfin à décoller. Les quatre puissants moteurs Rolls Royce propulsent le Jumbo Jet sur la piste dans un grondement de tous les diables. Le spectacle, certes grandiose, est bref, en un rien de temps le Boing 747 s'élève et s'en va fendre les cieux. Memphis semble soudain si petite, écrasée par le poids des rayons lourds d’un soleil déclinant. Une fois dans les airs, au calme, John se laisse aller à la contemplation. Ce n’est pas la première fois qu’il prend l’avion, ni même qu’il décolle depuis l'aéroport de Memphis, mais cette fois c’est différent. Le voyage sera sans retour.
- C’est donc ici que j’ai vécu, ici, comme un roi débonnaire, se dit-il à voix basse. Mais ses pensées vagabondes sont rapidement troublées par une autre hôtesse, moins jolie.
- Excusez-moi Monsieur, désireriez-vous quelque chose à boire ?
- Euh... je vais prendre un Bourbon avec un peu de soda glacé, merci.
- Très bien, je vous apporte ça tout de suite.
Sans dire un mot, John s'en retourne à ses rêveries et son hublot. Il ne veut pas en perdre une miette, car même s'il part, il aimerait faire ses adieux à Memphis dignement. Mais la ville est déjà loin, il a beau s’arracher la nuque, celle-ci a disparu derrière l'horizon. Bientôt, elle ne sera déjà plus qu'un lointain souvenir, de plus en plus flou, de plus en plus faux.
- Merde !
Soudainement, à l'étroit dans son costume bleu, il a la sordide impression d’être un évadé, un hors-la-loi, un fugitif en cavale.
- La belle affaire, me voilà comme un con, se dit-il.
- Vous disiez monsieur ? demande l’hôtesse d'un air détaché, tout en tendant à John un verre, marqué du logo de la compagnie, rempli de Bourbon allongé au soda.
- Rien, je me parlais à moi-même... Ah, merci pour le verre, je vais en avoir bien besoin.
- Je vous en prie Monsieur, je ne vais pas vous déranger plus longtemps, mais si vous désirez dîner, nous avons un large choix de...
- J’imagine qu’il n’y a aucune chance d’avoir un sandwich banane-beurre de cacahuète ?
Depuis quelques minutes, la nouvelle est tombée. Ce 16 août 1977, le King, Elvis Presley est mort.
EAT OR HIT